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Ludovic Lado sj : trajectoire du dissident père jésuite

by Rédaction 01
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Trajectoire. Le jeune prêtre jésuite se définit comme un critique constructif. Par son ton, dur vis-à-vis du pouvoir en place, il marche sur les pas des aînés, Tumi, Dongmo, Mveng, Ela, Plumet et les autres.

A une époque, au Cameroun, le prêtre aurait été taxé de subversion. Mais, lui, il parle de dissidence. « Je ne suis pas un subversif, mais un dissident », proclame le père Ludovic Lado. Et le prélat pèse bien ses mots.

Il assume son opposition au régime de Paul Biya et affirme des opinions complètement hétérodoxes au sein de l’Eglise catholique romaine au Cameroun. Un anticonformiste, pour résumer l’homme de Dieu. Alors qu’il préparait sa thèse de doctorat au Royaume Uni, Ludovic Lado publiait son premier ouvrage intitulé : « De la déchéance à la dissidence : quel christianisme pour la renaissance du Cameroun ? » Tant pis pour ceux qui ne l’avaient pas vu venir. « Je définis un intellectuel comme un dissident ou un critique par essence. Mais un critique constructif, qui contribue à bâtir une société nouvelle et plus juste. Ceux qui détruisent ce pays sont ces intellectuels conformistes qui essaient de plaire aux gouvernants en justifiant toutes les impostures. » Le réquisitoire ne fait que commencer.

Le père Lado mène actuellement une campagne dite citoyenne, baptisée « Je veux un autre code électoral ». Elle intervient au lendemain de l’adoption à l’Assemblée nationale d’un code électoral unique au Cameroun. Le texte est même déjà promulgué par le président de la République. Evidemment, le prêtre dissident trouve à redire et réclame, à cor et à cri, un nouveau texte qui instaurerait le scrutin présidentiel à deux tours, la limitation du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une seule fois, le bulletin unique, la majorité électorale à 18 ans, le redécoupage électoral, la délivrance immédiate de la carte biométrique, la définition légale du calendrier électoral et l’indépendance d’Elecam, l’organe en charge de l’organisation et de la supervision des élections au Cameroun. Le prêtre reprend en réalité huit des revendications portées depuis des lustres par les partis politiques d’opposition et une frange de la société civile.

Police

A coup sûr, cette campagne du père Lado dérange en haut lieu. La police a investi le Centre catholique universitaire (Ccu) situé au quartier Melen à Yaoundé, pour empêcher la tenue, le 21 avril 2012, de la conférence de presse censée marquer le lancement officiel de la campagne. Les résidents du Ccu racontent que des commissaires sont venus dans la nuit signifier que l’évènement a été interdit par le délégué général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguélé. Les faits se sont passés en l’absence du père Lado, parti à Douala où il était invité à une émission sur Equinoxe télévision. Par mesure de sécurité, il n’est plus retourné à Yaoundé le jour de la conférence de presse comme prévu. Mais, dès 10h le lendemain, il a rejoint la capitale, pour répondre à une invitation à la radio Tiemeni Siantou.

« Je suis passé de la simple réflexion à l’action. Je me vois bien dans le rôle d’un membre de la société civile par des actions citoyennes. Mais il ne sera jamais question d’organiser des manifestations », prévient le dissident. Le prêtre veut inscrire son combat dans les symboles. Pour la campagne « Je veux un autre code électoral », il a créé le « tee-shirt du démocrate » que lui-même porte déjà. Le prélat invite chaque Camerounais contre le code adopté à se procurer ce vêtement et à le porter tous les samedis pour vaquer à ses occupations. Sur le tee-shirt de couleur noire, est estampillé en blanc le thème de la campagne et l’une des huit revendications formulées. A chacun son choix. Chaque « démocrate résistant »doit rallier, par semaine, une nouvelle personne au combat. L’objectif étant de réunir une masse critique suffisante pour contraindre le gouvernement et les députés à revoir la copie du code électoral.

Les évêques

« Cette méthode me semble la plus appropriée dans un contexte répressif. Il faut arriver à conscientiser le peuple à travers une identité visuelle. Si les Camerounais pouvaient comprendre que le tee-shirt est une arme puissante qui exprimerait le vrai choix du peuple, un cinglant démenti à ceux qui prétendent parler au nom de ce peuple ! Lorsque je discute avec les Camerounais, ils souhaitent que les choses changent. Il n’y a qu’à voir combien les élections en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en France, au Ghana ou aux Etats-Unis les ont fait rêver ces dernières années. Ce n’est pas vrai que les jeunes de notre pays ne s’intéressent pas à la politique. Mes étudiants me rappellent chaque fois qu’il n’y a aucun leader en qui ils peuvent croire et pour lequel ils sont prêts à s’engager ». Ce n’est pas seulement le prêtre qui parle, c’est aussi l’enseignant et le spécialiste des sciences sociales, titulaire d’un doctorat en anthropologie sociale.

Ainsi dit, le père Lado est décidé à aller plus loin que les textes d’opinion qu’il publie régulièrement dans les journaux. Il y a, par exemple, la fameuse lettre ouverte aux évêques du Cameroun, parue en novembre 2011, au lendemain de la messe œcuménique célébrée à la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé, pour bénir le président Paul Biya nouvellement réélu le 9 octobre. « Dans une liturgie fabriquée de toutes pièces, on a vu la crème de la hiérarchie catholique introniser le prince. On se croirait au Moyen Age où les évêques intronisaient les rois. Messeigneurs, depuis quand êtes-vous aumôniers de la présidence de la République du Cameroun ? Et à supposer que vous l’étiez, la neutralité politique de l’Eglise aurait demandé un minimum de réserve et de discrétion dans un contexte comme le nôtre où les Camerounais sont divisés sur la légitimité de la victoire de votre protégé. (…) Je me demande ce que vous avez demandé à Dieu dans vos prières. Certainement la paix, oui encore la paix. Mais voyons, Dieu ne peut pas nous donner la paix sans justice. Dieu ne peut pas écouter ces prières si vous ne dites pas la vérité au président de la République sur les injustices de son régime. Les Camerounais souffrent. Regardez seulement nos écoles et nos hôpitaux, si vous vous y soignez. Vous aurez beaucoup à lui dire sur les milliards qu’on dépense sous ce régime pour des futilités ou qu’on détourne impunément. » C’était osé, vraiment osé, reconnaît l’auteur. « Un brûlot qui a failli me brûler », dit-il, avant  d’éclater de rire. Un de ces rires poussifs qui le caractérise, comme si sa carrure, un brin frêle, peine à laisser échapper une expression plus vive et vigoureuse.

Paul Biya

« Des agneaux au milieu des loups. » Ludovic Lado commente ainsi la nomination de Messeigneurs Dieudonné Watio à Elecam, et Joseph Befe Ateba à la tête du Conseil national de la communication. « Je crains qu’ils ne se fassent utiliser pour cautionner des systèmes peccamineux », prévenait le prêtre dissident. Au fond, on peut conclure que son problème, c’est Paul Biya. « Je n’ai rien contre lui, mais il doit assumer son bilan calamiteux, répond le prélat. Je suis plutôt critique vis-à-vis de sa manière de gérer le processus démocratique au Cameroun, qui exclut toute alternance. Ses 30 ans de pouvoir ont été marqués par une déliquescence éthique et civique. S’il y avait au moins la justice sociale et la répartition équitable des ressources de l’Etat, nous ne rêverions pas d’un autre pour diriger. Mais nous sommes arrivés au point où on vole des bébés dans les hôpitaux en toute impunité. » Et le père Lado se souvient qu’il avait écrit au président en 2009 pour lui expliquer qu’il devait « dire non » aux « flatteurs » qui, « à travers leur diarrhée de motions de soutien », l’appellent à se présenter à l’élection présidentielle de 2011. « Cette bande de voyous en veste et cravate veut continuer à piller en vous flattant », écrivait-il. Hélas ! c’était peine perdue. « J’ai été déçu. Le président a raté le tournant de l’histoire », regrette le père Lado.

Ludovic Lado sait qu’il se fait des ennemis. Des mécontents, précise-t-il. Pour lui, en tout cas, ce sont des gens qui ne lui veulent pas du bien. Ils sont dans l’appareil politique et au sein du clergé, et n’ont pas intérêt à voir les choses changer. Et Lado s’amuse à raconter ce qu’il a vécu, il y a deux ans, dans un bus qui l’emmenait à Douala. « A peine je suis entré dans la voiture qu’un homme assis, vêtu d’un costume chic, s’est mis à me fixer. Puis il m’a demandé si je suis le prêtre qui écrit souvent dans le journal Le Jour. Je lui ai répondu que cela m’arrive souvent. Furieux, il a répété trois fois : « C’est vous qui emmerdez avec vos articles. » J’ai demandé si on ne pouvait plus réfléchir en paix dans ce pays. Et il est reparti de plus belle en disant : « Ah oui ! Vous voulez réfléchir, vous verrez ce qui va vous arriver », relate le prêtre, avec ce soupçon d’ironie caractérisque de celui-là qui se moque de ce qui peut lui arriver. « C’est l’unique fois où un inconnu m’a menacé directement. Je n’ai jamais cherché à savoir qui c’était. Je n’ai pas eu peur. Je trouve meilleur de mourir pour une cause juste que de mourir d’une maladie », prévient-il. Et le voilà qui lâche un autre gloussement. Comme si l’on parlait de potins. Puis, l’air sérieux tout à coup, il rappelle que ses modèles sont les morts et non les vivants, se référant à Jésus-Christ et à Jean-Baptiste, exécutés par la volonté des politiques de leur époque.

Menaces

Aucun homme politique, encore moins un évêque, ne lui a jamais exprimé directement son « mécontentement ». Mais le père Lado confie qu’il reçoit des menaces par personne et par institution interposées. « On m’a fait dire que si je veux cesser d’être prêtre pour devenir un politicien, alors je serai traité comme tel. » Et certains évêques ont essayé en vain de convaincre leurs pairs du Cameroun et des autres pays de le limoger du poste de vice-doyen de la Faculté des sciences sociales et gestion de l’Université catholique d’Afrique centrale. Ainsi, le prêtre dissident a des alliés au sein de l’épiscopat. « Le cardinal Christian Tumi a dit dans le journal Le Messager et sur les ondes de radio Véritas qu’il est content de moi », se réjouit le jeune prêtre. Il y a d’autres soutiens dans la région du Littoral et dans le septentrion. Des noms qu’il préfère taire. Ludovic Lado sait qu’il s’inscrit dans la lignée des prélats qui ont dérangé le pouvoir au Cameroun, même s’il dit n’avoir jamais voulu imiter Christian Tumi, Albert Dongmo, Engelbert Mveng, Jean-Marc Ela, Yves Plumet et les autres. Et sans ignorer l’acharnement, voire la persécution, que beaucoup de ses aînés ont subi, Ludovic Lado affirme qu’il ne craint rien.

L’action sociale a l’Eglise à deux volets, explique-t-il. Le volet tradition, plus facile à mener et moins dangereux, concerne l’éducation, la santé, les centres sociaux, etc. Mais, lui il s’est engagé dans le second volet, celui de la lutte pour la justice sociale au sein des institutions et des structures humaines. « C’est plus difficile car il faut s’attaquer au système », soutient-il. Pour continuer, il puise sa force dans l’idéal de justice qui l’a toujours animé, lui, le fils d’une famille « profondément catholique ». Ses deux parents ont fait toute leur carrière d’instituteurs de l’enseignement catholique dans la région de l’Ouest. Originaires du village Bangang dans le département des Bamboutos, ils ont travaillé essentiellement dans la Menoua, trimbalant leur progéniture de village en village, au gré des affectations. Le père a fini directeur d’école.

Ludovic Lado, le troisième parmi les sept enfants, se passionne très tôt de l’Evangile. Il n’a que 7 ans lorsque ses deux frères et lui décident de devenir des prêtres. « Chacun de nous avait son champion parmi les trois prêtres qui venaient à tour de rôle célébrer la messe à la chapelle de notre village. Nous les admirions prêcher dans leur tenue. Un de mes frères avait pour modèle Dieudonné Watio, à l’époque abbé », se rappelle Ludovic Lado. Lui, le dissident, trouve véritablement son chemin lorsqu’il choisit d’intégrer la congrégation des jésuites. Agé de 42 ans aujourd’hui, Ludovic Lado est prêtre depuis 10 ans. Et voilà seulement 5 ans qu’il est rentré au Cameroun au terme de ses études universitaires. Son combat ne fait que commencer.

 

CV

Ludovic Tonlie Lado

12 novembre 1970 : naissance à Bafou dans le département de la Menoua

Parcours académique et qualifications

1988 : baccalauréat D au lycée de Bangangté, entrée au petit séminaire de Bafoussam

1989-1992 : Grand séminaire St Thomas Aquinas de Bambui à Bamenda

1992-1994 : Noviciat jésuite de Bafoussam

1994-1996 : Master en philosophie politique à la Faculté de philosophie St Pierre Cansius de Kinshasa

1998-2001: Bachelor en théologie à Hékima College (Catholic university of eastern Africa) Naïrobi, Kenya

2001-2002: Master en théologie (éthique sociale) à Weston jesuit school of theology, Massachussetts, Etats-Unis

2002-2004 : Master en anthropologie sociale, université d’Oxford, Royaume-Uni

2004-2007 : Doctorat en anthropologie sociale, université d’Oxford, Royaume-Uni

Expériences pédagogiques

1996-1997 : professeur de philosophie au collège Charles Lwanga de Sahr, Tchad

1997-1998 : Professeur de philosophie au collège Libermann de Douala, Cameroun

2005-2007 : Enseignant visiteur à la Faculté des sciences sociales et de gestion de l’Université catholique d’Afrique centrale

Depuis 2007 : Enseignant et vice-doyen dans cette même faculté

Auteur

(Sous la direction) Le pluralisme médical en Afrique, Yaoundé/Paris : Pucac/Karthala, 2010

Catholic pentecostalism and the paradoxes of africanization, Leiden/Boston : Brill, 2009

Le chrétien face à l’avortement, Yaoundé : Pucac, 2009

De la déchéance à la dissidence : quel christianisme pour la renaissance du Cameroun ?, Yaoundé : Clé, 2008

 

Une dizaine d’articles scientifiques

Centres d’intérêt : enseignement, écriture et recherche

Hobby : Lecture des biographies. Les meilleures étant celles de Martin Luther King, Gandhi et mère Theresa.

 

Mes modèles : Jésus et Jean-Baptiste. Les morts m’inspirent plus que les vivants

Ce que j’aime : Rendre service

Ce que je déteste : L’injustice

Source : Assongmo Necdem, Quotidien Le Jour, Vendredi, 27 Avril

http://ladiaconie.net/menola/index.php?option=com_content&view=article&id=710&Itemid=307

https://edicaf.com/ludovic-lado-sj-il-compte-parmi-les-50-qui-feront-le-cameroun/

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